Exposition “Sillons”

11.05 - 11.06.2022

COMMISSARIAT : Laure Boucomont & Elora Weill-Engerer

AVEC : aurèce vettier, Alice Bandini, Marguerite Bornhauser, Anne Commet, Léa Dumayet, Suzanne Husky, Anaïs Lelièvre, Jules Lobgeois, Noémie Niddam Hosoi, Sepa, Lise Thiollier

“Je chante les moissons :
je dirai sous quel signe
Il faut ouvrir la terre et marier la vigne”

Virgile, Les Géorgiques, Livre I 


Il en va, dans certaines formes artistiques, d’une énergie du labour. D’abord associés à la pesanteur, les sillons sont « lourds », par analogie avec la figure peu poétique du bœuf, creusant les champs de sa masse. L’image se retrouve dans le boustrophédon, terme désignant un mode d’écriture archaïque dans lequel les lignes sont tracées alternativement de gauche à droite puis de droite à gauche, comme le bœuf labourant la terre. L’antique écriture des Grecs aurait suivi ce modèle-ci : « Ensuite ils s'avisèrent d'écrire par sillons, c'est-à-dire en retournant de la gauche à la droite, puis de la droite à la gauche alternativement » (Rousseau, Essai sur l’origine des langues, 5). Le creusement de la matière s’effectue sur la durée : en est-il de même pour l’artiste, qui ne travaillerait pas d’un jet mais par circonvolutions ? Serait-ce parce que la réalisation de l'œuvre a pris du temps que davantage de temps est donné à son observation ? Dans la lenteur apparente contenue dans l’image du sillon, les choses se font pas à pas. D’une manière similaire, certaines formes poétiques et plastiques appellent une germination : regarder l'œuvre en train de se faire, l’apprêter comme on défriche son lopin de terre.

  • Partant d’une culture grapho-plastique du sillon, le langage courant associe régulièrement le terme à l’incise effectuée par la raie de labour, foncièrement opposée au monolithe, et relevant d’une forme de vulnérabilité. L’oubli des anciennes techniques agricoles, désormais remplacées par les machines, a singulièrement congédié l’élévation pour ne conserver que la mince ligne évidée. À l'origine, le sillon est en effet autant affaire de creux que de relief et, pour de nombreux auteurs, désigne à la fois la crête, ce qui se dresse vers le haut, et le bas, la bande étroite entre deux talus qui reçoit le semis à la volée. Ce n’est que dans cette inégalité de niveau que l’ensemencement est possible, de même que, chez certains artistes, le retrait importe au même titre que l’ajout. Si l’on suit cette image, le sillon ne définit pas tant la trace visible a posteriori que l’action échelonnée dans le temps. Brèche dépositaire d’un sens qui appartient déjà à l’exégèse du futur, le sillon est en cela une figure éminemment poétique. Plus encore, le lexique de la poésie est intrinsèquement liée aux tranchées ouvertes dans la terre par le soc de la charrue : « strophe » (du grec strophein) et « vers » (du latin versus) se réfèrent étymologiquement au tournant du sillon. Le sillon est enfin une empreinte, si l’on en croit la parenté linguistique avec le sillage qui désigne les traces que laissent les êtres et les choses sur les fluides. L’impression physique et lente du sillon dans l'œil du spectateur semble nourrir cette image d’une douce pulsation : le sillon reprendrait la forme symbolique du circuit veineux qui va irriguer l’ensemble de la matière, peut-être déjà contenue dans la semi-consonne mouillée du mot. Si-ll-on.

    Les propositions plastiques de l’exposition sont choisies volontairement pour leur libre traduction de la thématique du sillon. Matériellement et visuellement, l’empreinte, la brèche, la dilatation plus ou moins étroite de l’espace y trouvent des échos sensibles, relevant moins d’une réponse littérale que d’un appel à un imaginaire collectif empreint de cette imagerie archaïque.


 


La moitié des bénéfices générés par la vente des œuvres d’art est reversée à l’association Fertile Art afin de financer le budget de production des résidences d’artistes organisées au Domaine de Toury.


Les Artistes

  • aurèce vettier est un studio créé par Paul Mouginot en 2019. Au sein de ce studio, il a recours à des algorithmes de pointe, notamment d’intelligence artificielle (IA), ainsi que de nombreux métiers d’art différents pour créer des oeuvres hybrides, repoussant les limites de nos processus de création.

    Les travaux d’aurèce vettier sont le résultat d’un certain nombre d’allers-retours entre l’espace «réel» dans lequel nous existons, où nous pouvons dessiner, peindre, sculpter, casser, effacer ; et l’espace «data», où nous pouvons jouer avec plus de dimensions que ce que nous pouvons appréhender en tant qu’humains. Dans cet espace virtuel, qui peut impliquer des algorithmes d’IA ou un traitement mathématique lourd, le studio explore de nouvelles formes à projeter dans la réalité.

    La poésie est la colonne vertébrale de toute la pratique d'aurèce vettier. Le premier travail expérimental au sein du studio fut d’ailleurs d’écrire un ouvrage de poésie en collaboration avec une machine. La nature et son infinie complexité constituent, en outre, un gisement inépuisable pour le studio.

    aurèce vettier a des préoccupations d’artiste autant que de collectionneur d’art : d’une part, dans un certain silence, le studio poursuit une recherche sur les traces des pionniers de l’art génératif, de l’abstraction géométrique et de l’informatique collaborative.

    D’autre part, constatant de plus en plus que la sophistication des technologies augmente autant que la fragilité des œuvres qu’elles permettent d’engendrer, il cherche à créer des objets tangibles et dans des techniques durables, sans rien enlever de leur hybridité numérique. Ce geste spécifique et lancinant, ce voyage perpétuel entre monde réel et virtuel, se déploie désormais sur de nombreux médiums.

  • Vit et travaille à Paris, née en 1988 à Nice.

    De la chute de production industrielle à la chute de valeur de celle-ci, Alice Bandini s’intéresse à l’ensemble des notions auxquelles le mot « chute » nous renvoie. En collectant des matériaux rejetés auxquels elle donne de nouveaux contextes, elle questionne la matière inerte, son histoire, sa temporalité, tressant ainsi un parallèle à l’entropie des chutes et à nos propres vanités.

    Sculptures, installations sont, dans sa pratique, les médiums convoqués pour établir un lien avec ce qu’il y a de vivant dans la matérialité des ces ruines contemporaines, de ces matières déclassées.

    Alice Bandini est diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure d’arts de Paris-Cergy. En 2017, elle a été lauréate du Prix Dauphine pour l’art contemporain avec la commissaire Laetitia Thomas et finaliste du Prix jeune création de l’Atelier Blanc en 2021. Son travail a été présenté dans différentes galeries et tiers-lieux, elle a été en résidence à Bandjoun Station au Cameroun et à La Villa Belleville à Paris.

  • Née en 1989 vit et travaille à Paris

    Marguerite Bornhauser est une photographe plasticienne. Après des études de lettres et de journalisme, elle intègre l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles d’où elle sort diplômée en 2015. Sa première exposition institutionnelle se tient à la Maison Européenne de la photographie en 2019. Son travail a fait l’objet de diverses expositions dans des musées, galeries et festivals dans le monde : en France (Paris, Arles, Toulouse, Deauville, Saint Nazaire) mais aussi à Londres, Bruxelles, Istanbul, Lisbonne, Suisse, au Japon, au Bahreïn, aux Pays Bas, en Espagne. Son travail a également été exposé dans l’espace public dans 27 stations du métro parisien en 2020 et sur des panneaux publicitaires aux Etats-Unis avec le Cincinnati Art Museum.

    Marguerite Bornhauser accompagne le plus souvent sa recherche photographique d’un travail éditorial. Son premier livre en auto édition, Plastic Colors, a été sélectionné en 2015 parmi les 10 finalistes du First Book Award par la maison d’édition MACK. Il est édité en 2017. Son second livre 8 est publié aux éditions Poursuite l’année suivante. En 2019, elle publie son troisième livre Red Harvest chez Poursuite également. Elle édite son quatrième livre aux Éditions La Martinière en 2021 et s'apprête à éditer son cinquième livre en 2022. Elle collabore régulièrement avec la presse française et internationale en tant que photoreporter et portraitiste et travaille également en tant que photographe de mode.

    “Dans son travail le plus récent, Bornhauser aborde non seulement la couleur au sein du champ visuel mais aussi comme un processus de création de photographies en tant qu’objets du monde. De ses somptueux tirages en Cibachrome (pour beaucoup, le nec plus ultra de la reproduction photographique en couleur) jusqu’à ses dernières expériences en matière d’image animée et d’impression sur tissu, la photographe se lance dans une nouvelle phase de sa pratique consistant à nous re-montrer le monde qui nous entoure comme plus lumineux et plus beau: elle est attentive à la façon dont ses images occupent l’espace, tout en ne s’éloignant jamais des vérités singulières cachées au cœur des choses qu’elle seule voit." - Simon Baker, directeur de la Maison Européenne de la Photographie, Paris 2021.

  • Le travail d’Anne Commet se rapporte à l’expérience du paysage. Associant fragments de territoires et instants, elle construit des cartographies de lieux intimes et ordinaires. Ces assemblages explorent la permanence et la fragilité, le souvenir que l’on garde d’un lieu ou d’un moment précis, notre rapport au monde et au temps, la place de la trace et de l’empreinte. Elle travaille différents médiums tels que la peinture, la photographie et la vidéo.

    Anne Commet développe son travail sur le paysage, l’environnement et le vivant notamment en résidence au 100 ecs au sein d’un programme pluridisciplinaire sur la nature, au Manoir de Mouthier Haute-Pierre avec la DRAC Franche-Comté et depuis 2020 à Poush Manifesto. Son travail a été présenté en centres d’art (Crous Paris, Guoyi Art Museum de Pékin, Kunstverein Unna, DRAC Normandie, La Nuit Blanche Paris, Le Manoir) et en galeries (Sono, See-marais, Fenna Wehlau Munich, Galerie G Friebourg).

  • Léa Dumayet, née en 1990, vit et travaille à Paris et Milan

    Diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2014, elle a exposé dans de nombreuses galeries, Galerie Chloé Salgado (2019), Galerie Laure Roynette (2019), Villa Belleville (2019), Galerie Valentin (2021) et à la Galerie Sono (2021). En 2021, Léa Dumayet est finaliste de la dixième édition du concours «Talents contemporains» de la Fondation François Schneider.

    En 2022, Le Grand Café de Saint-Nazaire, centre d’art d’intérêt national, l’invite à exposer ses sculptures-photographies, crées en collaboration avec Marguerite Bornhauser, pour l’exposition «L’Heure bleue».

    « La pratique de Léa Dumayet est essentiellement sculpturale et procède d’abord d’une recherche instinctive et empirique sur les caractéristiques des matériaux, particulièrement du métal, qu’elle travaille et dont elle étudie les potentialités et les points de rupture.

    Ses sculptures et installations sont souvent fragiles, en équilibre. Néanmoins, Léa Dumayet invite le spectateur à en éprouver les tensions, la notion de danger faisant partie de l’expérience.

    Le travail de Léa Dumayet oscille constamment entre des notions contradictoires : légèreté et pesanteur, équilibre et vertige, réalité et rêve, industriel et naturel, attraction et risque… Au spectateur – acteur à en découvrir le sens caché. » (Maya Sachweh)

  • Suzanne Husky a obtenu un DNSEP de l'Ecole des Beaux Arts de Bordeaux, un certificat en paysagisme horticole (Merritt College, Oakland, Californie), et a enseigné l'histoire du paysage et l'ethnobotanique à l'Ecole d'Art et de Design d'Orléans, et Plant Matters au San Francisco Art Institute.

    Au cours des 20 dernières années, Husky a développé une pratique créative de médias mixtes axée sur les relations entre l'homme, les plantes et la terre. Elle est représentée par la Galerie Alain Gutharc Paris. Elle est l'une des fondatrices du duo artistique Le Nouveau Ministère de l'Agriculture qui crée des œuvres d'art sur l'agrobusiness et l'agtech.

    Husky a présenté son travail dans le cadre de la triennale régionale Bay Area Now 5 au YBCA de San Francisco, a exposé à la galerie De Young Kimball, au Warshaw MOMA, à la biennale d'Istanbul, à la biennale de Timișoara, au Headlands Center for the Arts, à l'aéroport international de San Francisco (SFO) et ses œuvres font partie de plusieurs collections.

    Son travail est récemment profondément engagé dans l'agroécologie et prend la forme d'un podcast bilingue qui décortique les connaissances de la terre contenues dans les contes populaires: Ma Mère l'Oie.

  • Anaïs Lelièvre vit et travaille à Paris, née en 1982.

    Diplômée d'un DNSEP à l'Ecole d'Art de Rouen et d'un doctorat à l'université Paris. Son atelier est situé dans l'incubateur Poush - Manifesto.

    À partir d'expériences de territoires, ses dessins restituent des dynamiques transversales, oscillant de la céramique à l'installation, entre concentration minutieuse et déploiement monumental, inscriptions contextuelles et fluctuations nomades.

    Fondé sur une approche spatiale du dessin, son travail se développe en résidence, en France et à l'étranger. Récemment, des expositions furent présentées au FRAC Provence-Alpes-Côte-D'Azur, à l'Art dans les Chapelles, à la Chapelle de la Visitation à Thonon-les-Bains, à Bienalsur en Arabie-Saoudite, au Musée Jenisch en Suisse. Actuellement, des projets sont visibles au Château de Rentilly, au Musée de Gravelines (FRAC Picardie) et à la résidence La Junqueira à Lisbonne.

  • Né en 1994, Jules Lobgeois vit et travaille dans un village des Hauts-de-France entouré de forêts.

    Formé au design à l’ENSAAMA Olivier de Serres (2012-2015, Paris), puis au LAAB (2015-2017, Rennes) où il obtient un Diplôme Supérieur en Arts Appliqués, Jules Lobgeois se dirige vers la sculpture à la fin de ses études.

    C’est en travaillant dans l'Atelier Banneel (2014, Presles) à la restauration de structures de Jean Prouvé qu’il découvre le travail de l'acier. Son goût pour la sculpture sur bois massif lui vient au contact de l’artiste belge Kaspar Hamacher (2017, Raeren).

    À mi-chemin entre objet fonctionnel et sculpture, Jules Lobgeois façonne intuitivement des pièces dont la lumière leur serait presque inhérente. L’artiste brûle le bois après l’avoir sculpté en utilisant le feu comme un pinceau afin de souligner les courbes de ses sculptures et produire des ombres. Dans le même but, l’acier est déformé et sculpté pour reluire dans la pénombre.

    Le processus créatif de Jules Lobgeois est influencé par son environnement et par son lieu de travail : dans un bois, à ciel ouvert, entouré d’arbres. Le temps est rythmé par le bruissement de la faune et de la flore. Naturellement, il retranscrit les caractéristiques physionomiques et physiques du vivant qui l’entoure.

    Son travail est exposé à la ToolsGalerie à Paris, chez St. Vincents à Anvers en Belgique et à la Galerie Philia aux États-Unis.

  • Noémie Niddam Hosoi. Née en 1971 vit et travaille à Paris

    Noémie Niddam Hosoi est titulaire d’une thèse de doctorat à Paris 1 en archéologie de la Grèce Ancienne. Elle réside au Japon entre 2007 et 2011 où elle se forme aux techniques de la céramique. De retour à Paris, elle continue sa formation, et l’enrichit de celle de la fabrication de ses propres émaux. En 2016, elle fonde l’Atelier Kérama, lieu de production et d’enseignement de la céramique situé dans le 6ème arrondissement de Paris.

    Aujourd’hui dans son travail d’artiste qui ne se sépare pas d’un savoir faire exigent et d’une approche poétique, elle exprime la complicité de ce qui communément s’oppose : l’ombre et la lumière, l’intérieur et l’extérieur, le vide et le plein.

    Après plusieurs expositions à la galerie Sometime Studio, elle collabore désormais avec la Secret Gallery et organise une exposition collective qui se tiendra en mai 2022 à la galerie Immanence.

  • Né en 1994 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, vit et travaille en Lozère.

    Sepa est diplômé de l'Ensaama Olivier de Serres en design de produit, puis fait divers stages à l'étranger, en Hongrie et au Danemark. Après des études aux Beaux-Arts de Paris et un long voyage à l'est du monde, il s'installe en Lozère, au milieu des Cévennes où il habite et travaille. Il collabore en tant qu'assistant avec l'artiste Valentin Loellmann à Maastricht.

    Compagnon de route, du Haut-Doubs au pays le plus indicible, le bois est pour Sepa celui qui parle toutes les langues. Rustique et élégant, souple, raide et ardent, doux, calleux, sombre, lumineux, biblique parfois, universel toujours. Dans ses paradoxes, se loge un équilibre pur. Pour l’artiste, le bois est un matériau pleinement rationnel. Sentir son poids brut, le porter, comprendre d’où il provient et capter son énergie pour la retranscrire avec les mains est un acte essentiel.

    Sepa collabore avec plusieurs espaces de pièces uniques et galeries comme Nous Paris, La lune décoration, Sessun Alma, la galerie le sentiment des choses.

  • Vit et travaille à Paris, née en 1992 à Paris.

    Lise Thiollier est une artiste franco-chilienne. Elle est sculptrice et travaille principalement la céramique. Avant de se consacrer à la sculpture, elle a étudié l’anthropologie au Royaume-Uni et s’est formée à la sculpture à travers des expériences dans différents pays (Mexique, Égypte, Autriche).

    Les sculptures en céramique de Lise Thiollier prennent pour référence la science-fiction, les mythes et les légendes anciennes et contemporaines. L’artiste crée des formes organiques à tendance biomorphique et anthropomorphique, des sculptures visqueuses, poreuses, liquides, avec l’intention d’exprimer le « mou dans la forme ». Une esthétique de la métamorphose et de la transformation. Ses pièces à l’aspect minéralisé et fossilisé agencent un trouble taxinomique. Elles marquent un arrêt dans le processus métamorphique, une empreinte dont on ne sait si elle provient du passé ou du futur.

    Lise Thiollier a effectué une résidence en Grèce en 2019 avec le soutien de l'institut français. En septembre 2022, elle participera à une résidence dans le Nord du Chili avec La Wayaka Current. Elle a participé à plusieurs expositions collectives en France.

Précédent
Précédent

Résidence 2023

Suivant
Suivant

Résidence 2022